Le Tourisme est un secteur qui compte beaucoup dans l’économie. Il contribue notamment à la création d’emplois dans des métiers très diversifiés et permet de réduire un déficit extérieur aujourd’hui très élevé.
Si la Côte d’Ivoire est dotée d’atouts naturels et culturels incontestables, elle est loin d’en tirer tous les bénéfices. Conscient de ses atouts touristiques, elle a fait le pari de miser sur le tourisme pour en faire une locomotive de développement socio-économique et un catalyseur de la valeur à l’échelle nationale, régionale et internationale. La réussite de ce pari passe par la mise en place d’une politique nationale du tourisme « gage » de la professionnalisation dudit secteur. Pour une meilleure coordination de la politique publique qui s’avère nécessaire dans un contexte plus concurrentiel où les innovations sont nombreuses, ce dossier pour définir en quelques lignes les enjeux et défis d’une politique publique nationale du tourisme en Côte d’Ivoire.
Le secteur du tourisme en Côte d’Ivoire est régi par un arsenal de conventions, accords, lois et textes relatifs à l’organisation, la gestion, l’harmonisation des normes, la libre circulation, la sécurité et le contrôle du secteur, etc. Il s’agit des conventions et des accords internationaux relatifs au tourisme que l’Etat a signé et ratifié et des instruments juridiques nationaux. Cependant, le constat est établi que de nombreux prestataires du secteur n’observent pas les dispositions réglementaires régissant leurs domaines d’activités. Cela relève moins de la qualité des cadres juridiques et institutionnels que de l’insuffisance des contrôles et sanctions des pouvoirs publics pour astreindre lesdits acteurs au respect des cahiers des charges afférents à leurs activités.
La Côte d’Ivoire s’ingénie à développer une offre touristique originelle et dérivée, attractive et compétitive. L’offre originelle y est très diversifiée et permet le développement d’un large éventail de produits touristiques grâce au relief, aux plages, à la faune, à la flore qui offre des opportunités pour la pratique des activités touristiques telles que le balnéaire, l’écotourisme, l’agro-tourisme, l’aventure, le safari, la pêche sportive, le tourisme cynégétique, le tourisme de découverte, le tourisme culturel, etc. A cette riche biodiversité relativement assez bien conservée malgré la déforestation et le changement climatique, il faut ajouter l’authenticité du patrimoine culturel, matériel et immatériel.
Cette offre originelle est soutenue par une offre dérivée en croissance avec, toutefois, des prestations globalement en deçà des attentes des touristes et des visiteurs en termes de satisfaction. A cet effet, on peut retenir, entre autre, que la conformité du parc respectif reste faible et en dessous des standards internationaux. Il est aussi insuffisant et inégalement réparti sur les territoire et les sites touristiques.
S’agissant des produits touristiques, ils sont peu en adéquation avec l’évolution constante des besoins des touristes et la concurrence des autres destinations, en l’occurrence l’Afrique du nord et l’Afrique australe. Il est pertinent de souligner que les efforts sont faits par le pouvoir public et que des initiatives privées en matière d’innovation pour suppléer à la faible qualité des produits touristiques.
Outre ces quelques insuffisances, la promotion de la destination est handicapée par le coût du transport et du fret aérien, la faiblesse de la desserte aérienne et l’absence de stratégies nationales appropriées pour mener une incisive promotion sur les principaux marchés émetteurs. Cela a pour conséquence la faiblesse des arrivées internationales et la mobilité touristique intérieure.
Selon les données statistiques de 2020, les arrivées touristiques internationales en Côte d’Ivoire s’élevaient à plus de 600 000. Il faut noter ces cinq dernières années, le pays a affiché un niveau de croissance progressivement élevé malgré la pandémie à Coronavirus. Outre cette croissance, le tourisme en Côte d’Ivoire reste marginal par rapport aux destinations africaines. La demande de la destination est essentiellement composée d’une clientèle européenne. Elle représente une part importante des arrivées et gagnerait à être diversifiée, car la forte dépendance à la clientèle internationale rend la destination vulnérable et aux risques conjoncturels sur les marchés émetteurs.
La destination reste très dépendante de la clientèle européenne malgré l’existence d’un marché potentiel du tourisme interne avec une population estimée selon RGPH à environ 30 000 000 millions d’habitants. Il est impératif de soutenir la naissance constatée d’une clientèle interne, régionale et africaine pour minimiser la vulnérabilité de la destination. Le développement durable du tourisme de la Côte d’Ivoire exige la professionnalisation des acteurs du public et du privé. En effet, les activités touristiques y sont majoritairement menées par le secteur privé dynamique et de mieux en mieux organisé. Il faut noter l’existence de plusieurs cadres de rencontres, de partage d’expériences et de défense des intérêts.
En termes de financement du secteur, on relèvera un volume croissant des investissements privés dans l’hôtellerie, la restaurant, le tourisme, le transport et le loisir. On constate la naissance de groupes de chaînes hôtelières à l’échelle du continent africain avec le concours des banques et des établissements financiers nationaux et régionaux. Néanmoins, ces institutions financières ne disposent pas de produits spécifiques pour accompagner de façon satisfaisante les promoteurs du secteur touristique. A plus grande échelle, force est de constater qu’il existe très peu de lignes de financement allouées au secteur du tourisme par les Partenaires Techniques et Financiers (PTF) internationaux. Les financements existants sont dilués dans des lignes budgétaires attribuées à d’autres secteurs d’activités.
Afin de faire de la Côte d’Ivoire, une destination réelle, il convient de se doter d’une Politique Nationale du Tourisme. Ce qui nous amène à nous poser la question suivante : quels sont les enjeux et défis d’une Politique Nationale du Tourisme en Côte d’Ivoire ?
Ce dossier a pour objectif est de contribuer au développement du tourisme ivoirien et de manière spécifique (i) identifier les atouts et handicaps du secteur, (ii) analyser l’environnement touristique de la destination, (iii) analyser l’offre et la demande du secteur, (iv) évaluer les stratégies de développement du tourisme et (v) proposer des recommandations pour la création d’une réelle destination ivoire plurielle.
La politique, une notion très polysémique qui recouvre au sens large celui de civilité ou Politikos, indiquant le cadre général dans lequel une société ou une population est gérée par son (ses) dirigeant(s). En général, la politique d’une communauté, d’une société, d’un groupe social, au sens de Politeia, obéit à une constitution rédigée par ses fondateurs qui définit sa structure et son fonctionnement. La politique porte sur les actions, l’équilibre, le développement interne ou externe de cette société, ses rapports internes et ses rapports à d’autres ensembles. Elle est donc ce qui a trait au collectif (…). Dans cette optique, nous pouvons définir la politique touristique comme une « vision est un ensemble des stratégies et d’actions mises en œuvre pour aboutir à un objectif de développement éthique et durable ». C’est pour cette raison que l’activité touristique ne peut se disjoindre des notions de développement et de territoire, car elle agit incontestablement sur le développement territorial en permettant à la fois de valoriser et de préserver les ressources naturelles, culturelles et patrimoniales, d’améliorer le cadre de vie des populations et de créer des richesses à l’échelle locale.
Pour une meilleure réussite, l’État doit adopter une méthode inclusive et participative des acteurs du secteur et se donner le rôle de facilitateur en créant un cadre d’échanges, de concertation, de coordination, de supervision du développement touristique. Plus que toute autre activité économique, la gouvernance en tourisme implique de nombreux acteurs mais aussi des secteurs variés tels que la restauration, l’hôtellerie, l’environnement, la culture, l’événementiel, le sport, etc. alors, quels seront les enjeux et défis d’une telle politique Nationale du tourisme ?
Pour répondre à cette problématique, il convient de faire un état des lieux du secteur pour en tirer les conclusions nécessaires. L’état des lieux présente de nombreux atouts et potentialités, mais aussi des faiblesses et contraintes à lever, pour lui permettre de mieux contribuer au développement de la communauté. Notre analyse diagnostique singulièrement sur le cadre réglementaire, la valorisation et gestion de l’offre, la promotion et le marketing, le financement du secteur et la formation des acteurs. Bien que les impacts positifs du tourisme ne peuvent être niés, selon Bensahel et al. « le tourisme est une activité économique à double visage, à la fois structurantes et déstructurante, productive et dégradante, facteur de liberté et instrument de dépendance». (1999) Le tourisme doit donc être abordé et développé avec précaution, en restant ouvert et conscient qu’il peut être un atout mais un désavantage pour un territoire si les externalités négatives sont mal maîtrisées ou trop importantes.
Le tourisme provoque dans ce cas des effets négatifs tels que des transformations des cultures locales et le changement des valeurs culturelles, aussi, des dégâts culturels par la méconnaissance des us et coutumes, des traditions et des difficultés de leurs hôtes (installation de télévisions et autres équipements provoquant le choc des cultures ; détérioration du patrimoine culturel local). Les populations peuvent être exposées à des risques (le climat, les maladies tropicales, les épidémies). Ainsi, le tourisme peut donner de mauvaises images sur les populations locales comme attraction touristique (visite de bidonvilles, folklorisation, etc.). Il ressort de ces différents impacts que l’impact du phénomène touristique joue un rôle extrêmement important à telle enseigne qu’il devient impératif de contrôler le marché par le truchement de sa distribution.
Cependant, pour un secteur touristique pérenne, il s’avère important pour la « destination ivoire », un territoire à vocation touristique de réunir un certain nombre de facteurs essentiels avant d’aborder la mise en œuvre d’une politique nationale. Les fondements d’une Politique Nationale du Tourisme (PNT) sont la volonté manifeste de l’État de faire du secteur un levier du développement socio-économique.
La PNT doit s’inscrire dans une dispositions légale (Juridique). Elle sera la boussole de la vision de la PNT pour positionner la destination Côte d’Ivoire comme une destination inclusive, attractive et compétitive. La PNT sera assortie d’un plan d’actions qui couvrira une période bien déterminée (de 5 à 10 ans) avec des principes directeurs tels que (i) les principes de développement durable, (ii) la création d’emplois pour les jeunes et (iii) le triptyque gagnant Etat-Secteur Privé-Communautés locales. Pour la réussite de la mise en œuvre d’une telle politique, il est indéniable de faire des interactions avec les autres politiques de développement. Ainsi, la PNT interagira de manière solidaire, complémentaire et interdépendante avec les autres politiques et programmes similaires, connexes au secteur du tourisme.
La politique nationale en matière de tourisme s’insère dans un environnement marqué par la reconnaissance du rôle moteur que doit jouer le secteur dans la promotion du développement économique, social et environnemental. Les principaux enjeux de cette politique se présentent comme suit :
- les structures économiques et démographiques présentent des caractéristiques communes liées à une forte prédominance de la frange jeune confrontée au chômage et à la migration vers les centres urbains et internationaux ;
- l’État fait face aux mêmes difficultés de développement dudit secteur qui s’expriment en termes de financement, d’accès aux marchés porteurs et au renforcement des capacités des acteurs.
Or il est reconnu que le tourisme présente plusieurs spécificités au regard de son caractère transversal à tous les secteurs et son rôle moteur de l’économie. Ainsi, le tourisme
- créera des emplois qualifiés et non qualifiés au profit des jeunes et des femmes en particulier ;
- génèrera des devises qui influaient positivement sur les balances des paiements ;
- impliquera nécessairement les communautés locales riveraines et souvent gardiennes des sites touristiques ;
- contribuera à sédentariser les populations qui pourraient jouir durablement de leurs ressources naturelles et culturelles ;
- contribuera à préserver, protéger et promouvoir le patrimoine culturel et naturel.
Le tourisme présentera dès lors comme une solution pérenne aux difficultés, pour qu’il bénéficie d’un positionnement de premier ordre dans les priorités de développement.
Selon Dreyfus Signoles Catherine (2002), la valorisation du tourisme doit non seulement contribuer au développement de la communauté, mais aussi doit parvenir à certain nombre de résultats dont : une fréquentation génératrice de chiffre d’affaires et de marge pour les entreprises touristiques, le renforcement et, si possible, le maintien à longueur d’années de l’armature de distribution des biens et des services, le renforcement de la vie sociale et culturelle de la communauté, la conservation du patrimoine et de l’environnement et le contrôle des nuisances environnementales.
Cette remarque de Dreyfus Catherine et l’analyse de la situation in fine attirent notre attention sur un certain nombre de défis à relever et de difficultés liés au secteur touristique à surmonter avant sa mise en valeur. Ils sont d’ordre contextuel, conjoncturel, stratégique, politique, financier, professionnel et infrastructurel.
Au final, nous retenons que l’essor du tourisme ivoirien reste lié à la dynamique de développement dans plusieurs secteurs clés comme l’aménagement du territoire, l’environnement, la culture, l’artisanat, le transport, les télécommunications, l’industrie, l’agriculture, la santé, l’éducation, … Dans ce cas, le tourisme comme toute activité économique, doit jouer un rôle de levier pour le développement communautaire c’est-à-dire les approches patrimoniales, économiques, socioculturelles et environnementales ne doivent pas s’opposer mais se compléter. Il permettra également de redynamiser les activités économiques traditionnelles, mettra en valeur les particularités culturelles locales et communautaires, tout en offrant des possibilités d’emplois aux populations endogènes.
Dr Pascald DJADOU,
Expert en Développement Touristique et Culturel